Pour éviter des poursuites ou bien en complément de peine, le tribunal correctionnel propose parfois des stages de citoyenneté à des personnes ayant commis des infractions variées, outrages, vols, violences… Ces stages sont pilotés à Béziers par l’AERS (Association d’entraide et de reclassement social) et accompagnés par la Ligue des droits de l’Homme.
« On est des bénévoles, on est des citoyens comme vous. On n’est pas là pour vous donner des leçons. On ne sait pas pourquoi vous êtes là. On est là pour faire ce qu’on ne fait plus : se parler, s’écouter. » Devant une douzaine de personnes assises derrière des bureaux formant un U, Didier Wecxteen se lance et ouvre cette séquence de débats qui vont se dérouler dans les locaux de l’AERS, Association d’entraide et de reclassement social, sur l’avenue Wilson à Béziers. « On va échanger sur vos sentiments. » « Et ressentiments », complète avec malice quelqu’un dans l’assistance.
« Des réponses pénales proposées comme alternatives aux poursuites »
Didier Wecxteen s’exprime pour la Ligue des droits de l’Homme, dans le cadre d’un module d’une heure et demie autour des notions de respect, de vivre-ensemble… Un moment intégré à un stage de citoyenneté d’une journée suggéré par le tribunal. « On intervient en effet uniquement sur mandat judiciaire », explique Anne Krugler, responsable du pôle justice de l’AERS à Béziers. « Ces stages sont des réponses pénales proposées comme alternatives aux poursuites ou décidées en peine complémentaire. » L’AERS accueille et pilote un à deux stages de citoyenneté par mois. « Il s’agit de stages éducatifs, pédagogiques. Pas une simple sanction. L’idée des magistrats est d’apporter une réponse qui a plus de sens. »
L’AERS intervient sur mandat judiciaire
L’AERS (Association d’entraide et de reclassement social) est présente à Béziers depuis 2016, à la demande du procureur. Avec un pôle logement et un pôle justice géré par quatre salariés. L’AERS intervient sur mandat judiciaire (elle dispose d’un bureau au tribunal) pour des mesures d’investigation (enquête sociale rapide dans le cadre de comparution immédiate), des mesures d’accompagnement et trois stages différents (violences conjugales, stupéfiants et citoyenneté). Un nouveau stage devrait bientôt être mis en place pour la lutte contre l’achat d’actes sexuels, c’est-à-dire pour les clients des prostitués (en lien avec l’Amicale du Nid).
Après une partie juridique en ouverture de journée et avant une formation secourisme assurée par les pompiers l’après-midi, la Ligue des droits de l’Homme incite les stagiaires au dialogue. La plupart des participants ont commis des infractions très variées, violences, outrages, menaces, vols, faux et usage de faux… Ils ont plutôt la quarantaine et sont majoritairement des hommes. « C’est donc plus compliqué d’avoir un message universel. La Ligue des droits de l’Homme vient questionner le vivre ensemble et ce qui fait société. Comment on répare ça, quand on a dépassé le cadre de la loi », poursuit Anne Krugler.
« Accepter les différences »
Ce vendredi matin, Jean-Paul Palmade, second bénévole de la Ligue, écrit sur un tableau une série de mots : « Démocratie, laïcité, droits et devoirs, solidarité, respect… » Le respect est choisi par l’un des stagiaires comme thème de discussion. « Le respect, c’est accepter les différences », lance quelqu’un. « Mais le vivre ensemble, on n’est pas obligé », rebondit un autre… « Si on n’arrive pas à se respecter les uns les autres, à faire preuve de tolérance, on va vers une société de l’affrontement », prévient Didier Wecxteen. L’égalité hommes femmes ou encore le racisme sont également abordés. Des principes fondamentaux sont livrés : « Le racisme, c’est considérer qu’il y a des races supérieures à d’autres, c’est un délit, c’est puni par la loi », explique Jean-Paul Palmade. « C’est une idéologie. » Et de creuser encore : « Quel est l’endroit où il n’y a pas de racisme ? » « L’église » tente un participant. Non. « Dans les crèches, chez les enfants… » Ce qui suscite une autre interrogation : « Comment naît le racisme ? » « Par l’éducation ? La télé ? Les médias », répondent les stagiaires.
« Il faut le faire, on le fait »
Certains jouent clairement le jeu. D’autres subissent plutôt le moment. Hélène (le prénom a été changé) fait partie des plus extravertis et loquaces. Au sujet de ce stage, elle confie, en aparté : « Il faut le faire, on le fait, c’est la loi. Il faut bien que la justice trouve des solutions. Mais je trouve les intervenants très intéressants », ajoute-t-elle immédiatement. Le 1er février, elle sera à la retraite. C’est un problème de voisinage qui l’a finalement conduite ici… Comme tous ses « camarades », elle a dû payer 200 € cette journée. Retiendra-t-elle quelque chose de tout cela ? Pas forcément. « J’ai déjà été formée tout au long de ma vie professionnelle », estime-t-elle, sans mâcher ses mots.
Dans la salle où les discussions se poursuivent, au tableau, on peut toujours lire l’article 1 de la déclaration des droits de l’Homme rédigé en début de séance : « Les hommes demeurent libres et égaux en droits. »