Ce sont avec ces propos « grossiers » (mais sans doute passablement énervé) que le Maire de Béziers s’exprimait samedi 4 mai dans le journal le Midi Libre à propos de l’arrêté couvre-feu attaqué en justice administrative par la LDH. Les présentes réflexions ci-dessous éclairent nos motivations pour un débat citoyen qui semble assez loin des conceptions de Robert Ménard.

Selon la loi, qui n’est pas faite par la LDH, un arrêté de tout maire doit être justifié. La question est donc, un couvre-feu pour les mineurs est-il justifié à Béziers ?

L’incongruité de la présence de mineurs dans la rue n’enlève rien au fait qu’en matière de police et c’est la Constitution qui le dit, la liberté est la règle et la restriction l’exception et que s’agissant des pouvoirs de police générale du maire, ces exceptions doivent être justifiées non par des considérations générales, mais par des circonstances locales.

 

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Deux questions se posent :

  1. Y-at-il à Béziers, plus qu’ailleurs, un problème de circulation nocturne des mineurs ? Les jeunes commettent-ils de très nombreux délits à Béziers ?

Sans citer de chiffres précis, Robert Ménard justifie la mesure par « le nombre croissant de jeunes mineurs livrés à eux-mêmes en pleine nuit et une aggravation du nombre de faits ».

En parallèle dans un article de presse le procureur de la République à Béziers, Raphaël Balland cite « une aggravation des comportements », en particulier des violences ou implications dans des trafics de stupéfiants en indiquant que le nombre de mineurs (mineurs mais pas forcément de moins de 13 ans) déféré au parquet devant le juge des enfants à l’issue de leur garde à vue était de 84 mineurs en 2023 (*) contre 53 mineurs en 2022.

Les seules motivations présentées pour justifier le couvre-feu sont relatives à un incendie qui s’est produit en 2019, soit depuis 5 ans ou encore les émeutes de 2023 qui se sont produites malheureusement dans beaucoup de communes françaises suite à la mort du jeune Nahel. Il n’est ainsi aucunement prouvé que des mineurs de moins de 13 ans seraient responsables de ces faits à Béziers.

(*) Il y a 78 690 habitants à Béziers dont 14 468 de moins de 14 ans (présence aussi de 12 000 familles monoparentales)

 

         2) « …ils n’ont rien d’autre à f… à la LDH ? Retournons la phrase à l’envoyeur, plus poliment, la ville de Béziers n’a pas autre chose à faire ? C’est-à-dire un                 arrêté de couvre-feu est-il vraiment efficace et est-ce la seule solution ? 

L’efficacité concrète des mesures de couvre-feu pour faire baisser la délinquance reste à prouver :  globalement selon la première photographie de la délinquance et insécurité en 2023, publié par le ministère de l’Intérieur, les moins de 13 ans n’ont représenté que 2 % des mises en cause dans les atteintes aux personnes en France contre 36 % pour les 30-44 ans et 1 % seulement des mises en cause pour vol avec violence contre 44 % par exemple pour les 18 à 29 ans.

L’instauration d’un couvre-feu nocturne pour protéger les plus jeunes et limiter les troubles à l’ordre public, n’est pas une solution efficace selon certains professionnels de la justice ou de la police. Les magistrats, les policiers l’attestent sans détour : la délinquance des mineurs est problématique, la violence est plus précoce et plus forte dès le premier passage à l’acte. La mise en place d’un couvre-feu nocturne (23h-6h) pour les mineurs de moins de 13 ans peut-il suffire à éradiquer le phénomène d’ultra-violence qui a défrayé la chronique récemment en France ? (Mais pas à Béziers !). À en croire certains professionnels de la justice l’affaire n’est pas si simple !

Pour certains magistrats, conscient du fait que la solution miracle n’existe pas, il est nécessaire de progresser sur l’assistance éducative, prendre des mesures de protection plutôt et plus vite, de manière à éviter de traiter le phénomène de délinquance car lorsqu’il intervient il est parfois trop tard. Bien sûr ces mesures ont un coût.

Pour certains syndicalistes de la police, un couvre-feu et l’action même de la police ne résoudront pas tous les problèmes. Les solutions sont d’abord à trouver au cœur de la cellule familiale et de l’éducation nationale, à condition là encore à y mettre les moyens. D’autant que la catégorie d’âge à laquelle l’arrêté à Béziers s’adresse, les moins de 13 ans, n’est pas la plus concernée par les faits de violence aux personnes. Il est également signalé la difficulté du contrôle des mineurs isolés, avec une population parfois livrée à elle-même notamment dans le cadre de famille monoparentale (12 000 familles monoparentales à Béziers).

Enfin si des enfants de moins de 13 ans commettent des délits ou sont livrés à eux-mêmes, c’est aussi parce que leur famille sont confrontés à de graves difficultés. Le plus souvent ces difficultés sont liées à la précarité, à l’exclusion économique et sociale, à l’enclavement de certains quartiers. Elles produisent les dysfonctionnements et des désordres familiaux dans lesquels les parents se débattent, sans pouvoir toujours faire face à l’éducation de leurs enfants.

 

 Ce sont tous ces points qui devraient converger dans une politique de ville, et face à des problèmes aussi complexes qui nécessiteraient avant tout des dispositifs ambitieux de prévention et d’éducation, un couvre-feu apparaît alors comme une mesure inefficace voire simpliste ou comme le précisait, il y a quelques temps  le maire RN de Perpignan , « une mesure gadget destiné à tromper les électeurs ? »