Nous poursuivons nos entretiens avec des adhérentes de notre section, toujours avec Hawa sur l’analyse du genre en répondant à la question suivante :

Y-a-t-il des traits de caractère masculin/ féminin ?

Alors, le triomphe du patriarcat a été de transformer les femmes en hommes, et certaines femmes pensent encore, malgré la visibilité de l’échec, que c’est une victoire. Les femmes « patriarcalisées » sont la défaite des femmes et l’angoisse d’une société qui ne sera pas viable si rien ne change. Car, à présent, c’est au masculin d’aller vers la pensée féminine.

Les féminismes de la première heure étaient irremplaçables, indispensables : il fallait établir l’égalité femmes-hommes socialement. Mais il s’agissait de préalables et non d’une fin en soi. C’est à partir de cette conscience féminine d’elle-même que l’équilibre devait être trouvé. Mais il y a eu méprise : on a confondu égalité et similitude. En conséquence les femmes peuvent être soldats, ministres (pas beaucoup) cheffes… de bureau, de chantier, cheffes de tout mais intégrées à la mentalité patriarcale. Le même phénomène que pour les peuples colonisés, qui se sont décolonisés en devenant ce qu’étaient les colons…

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Au sein des nouvelles sociétés, les femmes agissent comme les hommes et alimentent ce nouveau patriarcat de toute leur énergie, de toute leur volonté ! Le fait n’est pas nouveau, chez les Arabes, jusqu’à l’époque du prophète Mohamed, qui marqua l’avènement d’un nouveau patriarcat, prises dans la mouvance du courant patriarcal qui se répandait, elles fabriquaient les armes, accompagnaient les hommes au combat pour les empêcher de céder à l’ennemi, se mettaient au service de la lutte armée. Les circonstances politiques de l’époque (tous les pays voisins exerçaient un patriarcat dur) les recadrèrent dans leurs quartiers en les privant à la fois de leur liberté et de la féminité sans frontière qu’elles avaient connue.

Il y a eu des reines et des combattantes dans certaines sociétés arabes, mais cela n’est pas significatif puisque ces reines régnaient comme des rois et que la condition féminine n’en tirait pas avantage. En majorité, les femmes, pliées avec leur silencieux acquiescement au patriarcat, développèrent une autorité psychologique exacerbée en perdant presque complètement leur présence civique au sein de la société. Les femmes contraintes devinrent les piliers de la transmission des diverses religions, seules formations où elles pouvaient, de façon dérisoire, se faire une place. Dommage ! Que d’énergie perdue.

 

Les traits de caractères ne sont pas dus au sexe des personnes mais à l’étroitesse de leur espace vital, mental.

La caractéristique générale du masculin c’est la peur, la haine du féminin, très exactement du « trou » par lequel ils sont arrivés dans la vie comme n’importe quel mammifère. Angoisse de se savoir animaux, peur de la nature, peur de la mort, désespoir. Ils ont abîmé le biotope comme ils ont abîmé les femmes. Ne comprenant pas la Vie, ils ne pensaient qu’à « la dominer ». En toute inconscience, parce que les schémas de leur virilité à travers les temps et les lieux, sont inamovibles.

La caractéristique générale du féminin, lorsqu’il est féminin, c’est l’acharnement (souvent aveugle) à vouloir garder les hommes debout, capables de bander  pour continuer l’espèce, capables de vivre. Qu’elles enfantent ou pas, Elles ne veulent pas que des générations souffrent et se perdent juste pour le confort et le plaisir de minorités, enroulées dans leur égoïsme comme dans une toile d’araignée. Elles sont au service de la vie quoiqu’il arrive et par n’importe quel moyen. On cherche souvent pourquoi les femmes ont accepté la dictature masculine, mais on évite, ou l’on ignore que c’est pour ne pas « déviriliser » les hommes. Ce n’est pas, en général, par faiblesse que les femmes se sont laissées dominer : c’est par angoisse de voir les hommes s’écrouler et l’espèce périr, par angoisse de la fragilité masculine.

C’est un sentiment confus, peu conscient, mais qui peut aller jusqu’au sacrifice de leur vie. Mais, actuellement, assimilées par le patriarcat, vont-elles rester dans ce dynamisme ou céder, comme les hommes, au goût du pouvoir et au désespoir ? Et, si elles deviennent conscientes de leur responsabilité dans la domination masculine, pourront-elles imaginer une piste de vie où, femmes et hommes accepteront de partager la pensée féminine qui s’élabore ?

Malgré tout cela, en tant que personnes, les hommes sont en recherche  de l’hospitalité féminine et les femmes en recherche de la tendresse masculine. Et c’est cette cacophonie entre le général inconscient et le particulier en recherche d’affirmation de soi, qui engendre toutes les distorsions entre les sexes.

En résumé, et les populations arabes peuvent servir de laboratoire, c’est la différence entre les populations occidentales et les populations arabes qui sert à comprendre : les Occidentaux, beaucoup plus avancés dans l’histoire en fait de patriarcat, ont l’angoisse de la mort individuelle, tandis que les populations arabes marquées davantage par des milliers d’années de matriarcat ont l’angoisse de la disparition du groupe, on peut même dire de l’espèce. C’est le même schéma en ce qui concerne les sexes : les hommes redoutent la disparition du « je » et les femmes redoutent la disparition du « nous ». D’où l’interrogation qui surgit lorsque les femmes se « patriarcalisent. »