Courrier intégral de la présidente nationale de la LDH:
LA PRESIDENTE
Paris, le 25 septembre 2024
Monsieur François Xavier LAUCH
Préfet de l’Hérault
Préfecture de l’Hérault
Place des Martyrs de la Résistance 34062 Montpellier Cedex 2
LRAR n° 1A20555887826
Monsieur le Préfet,
La LDH (Ligue des droits de l’Homme) vous saisit de la décision prise par Monsieur le Maire de Béziers d’installer, sur le fronton de l’hôtel de ville, une bannière représentant une Hanoukkah, Menorah à 9 branches, symbole de la confession juive.
C’est la raison pour laquelle la LDH vous saisit d’une demande visant à l’exercice effectif de votre contrôle de légalité de cette décision qui viole indéniablement le principe de laïcité.
Vous disposez en outre et si la transmission de cette décision du Maire de Béziers ne vous a pas été transmise depuis plus de deux mois, d’un outil parfaitement adapté, par le biais d’un déféré préfectoral qu’est le déféré-suspension laïcité, issu de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
Le principe de neutralité religieuse trouve sa traduction concrète dans les termes de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat. Celle-ci consacre d’abord, en son article 2, le principe cardinal suivant lequel la République reconnaît, ni ne salarie ou subventionne aucun culte et ce principe se traduit notamment l’interdiction posée à l’article 28 relatif à la police du culte et dont il résulte que : << Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ».
Il en résulte que le principe de neutralité fait obstacle à ce que soient élevés des signes ou emblèmes religieux sur tous les monuments ou terrains relevant du domaine public de l’Etat ou des communes, qu’il s’agisse de l’intérieur des édifices publics ouverts aux citoyens, de leurs façades, ou des places et de la voirie (CE, 25 octobre 2017, Fédération morbihannaise de la Libre Pensée et autres, n° 396990, mentionné aux tables).
La jurisprudence administrative a, à ce titre, précisé que tombait également sous le coup l’interdiction l’installation d’un signe religieux à titre temporaire (CE, Ass., 9 novembre 2016, den° 395223, publié au Lebon). Aussi, face à cette violation manifeste du principe de laïcité, nous vous demandons de mettre en œuvre les pouvoirs qui sont les vôtres, notamment par le biais du déféré-suspension laïcité.
L’alinéa 5 de l’article L2131-6 du code général des collectivités territoriales mentionne en effet que : << Lorsque l’acte attaqué est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d’appel devant le Conseil d’Etat dans la quinzaine de la notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat ou un conseiller d’Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures ».
En outre, et comme le rappelle l’Instruction du gouvernement du 31 décembre 2021 relative au contrôle de légalité des actes portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publiques, à la différence des référés ouverts aux particuliers, l’urgence n’est ici pas à démontrer et conduira nécessairement la juridiction à devoir se prononcer.
Le juges des référés du tribunal administratif de Montreuil a ainsi fait application de L’alinéa 5 de l’article L2131-6 du code général des collectivités territoriales contre une décision d’apposer une banderole comportant une mention dont l’évocation était religieuse en retenant que l’atteinte grave portée aux principes de laïcité et de neutralité des services publics est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée (Ord.JRTA de Montreuil, 6 décembre 2024 (n°2417169)
La gravité de la réitération de la violation du principe de laïcité et de neutralité des services publics par le Maire de Béziers m’amène à vous demander de déférer la décision du maire de Béziers à la juridiction administrative.
Je vous remercie de bien vouloir me tenir informée de la suite qui sera réservée à ma demande.
Dans l’attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de ma respectueuse considération.
Nathalie TEHIO Présidente
Copie jointe: Capture d’écran du Midi-Libre
Deux autres organisations ont aussi saisi le Préfet.